MARY DOLLINGER

L'épiphanie par anticipation.

Noël has come and gone, comme disent élégamment les Anglais. Tout s’est passé normalement, rien de particulier si ce n’est le problème récurrent de l’enfant Jésus. Sa naissance prématurée a été avortée par petit-fils numéro 2 qui s’est empressé de l'enlever de la crèche et le mettre de côté «en attendant  son anniversaire.» Je n’étais pas contre puisqu’il souhaitait en assumer la responsabilité, mais il l’a posé à côté des Rois Mages qui s’acheminaient doucement sur un radiateur à proximité.( Ils s’acheminent à l’aveugle car si j’ai un surcroît d’anges, je n’ai aucune étoile donc ils ont bien du mérite.) L’arrivée inopportune de l’enfant, par qui tout a commencé, leur  a profondément déplu. Avec l’exquise politesse des grands seigneurs, Melchior ou peut-être Balthazar m’a fait remarquer qu’ils avaient rendez-vous le 6 janvier et non pas le 23 décembre. Qu’ils avaient déjà assez de mal sans étoile et qu’il n’était pas question, en plus, de s’occuper d’un nouveau-né. Les chameaux et les éléphants ont opiné sagement de la tête. Le troisième roi, celui qui fait tout le trajet à genoux et dont personne ne se souvient du nom n’a rien dit. On peut le comprendre.
Étant très occupée par un foie gras mi-cuit pas cuit, et une dinde fermière qui avait trop couru, je n’avais pas vraiment le temps pour des psychodrames bibliques à domicile. Je les ai laissés se débrouiller entre eux, mais pas avant d’avoir entendu une voix céleste dire très clairement : « Vous savez, je suis destiné à accomplir de grandes choses, alors un peu de respect s’il vous plaît. Et pendant que j’y suis, l’or et l’encens, je ne suis pas contre, mais la myrrhe ne m’inspire absolument pas. Pour l’embaumement, je ne suis pas pressé.»

La morale de l’histoire : l’enfant Jésus a rejoint la crèche ce matin ayant passé la nuit de Noël, selon une tradition familiale, en compagnie des rois mages. Melchior, sage et pragmatique, a puisé donc son coffret d’or pour engager une nourrice.

Happy Christmas bis

"Au Secours Mrs Dalloway" et "Journal Désespéré d'un Écrivain Raté" me prient de vous présenter leurs voeux. Ils n'étaient pas heureux d'avoir été omis de la note précédente et me l'ont fait dûrement sentir.

Happy Christmas

 Happy Christmas to  you all, et une nouvelle année avec beaucoup de bonheur et tout ce que vous pouvez souhaiter. Un conseil pour les vœux, demandez toujours un maximum car le risque est minime et l’on ne sait jamais. De ma part vraiment merci de votre présence et votre soutien, je crois que nous nous sommes bien amusés, et je nous souhaite beaucoup de rencontres en 2008.
Je vous joins deux photos. La première : un petit coin de la « plaine heureuse ». Il faut savoir que cette plaine, autrefois ainsi nommée, a hérité 1) d’un gazoduc, 2) des lignes à haute tension qui la traversent de part en part 3) de l’autoroute qui la tranche sans pitié, et 4) du TGV qui explose contre les premiers rochers du Vercors. C’est beaucoup pour une petite plaine, mais elle assume courageusement, et vous dit sereinement  "Bonnes Fêtes." (Elle est d’accord aussi pour demander un maximum.)
La deuxième : notre crèche. Tous les ans cette crèche me pose un problème de taille : il n’y a pas vraiment la place pour l’enfant Jésus. L’année dernière je l’ai carrément oublié, alors cette année, je l’ai installé d’emblée avec deux jours d’avance. Il était d’accord avec moi qu’il valait mieux une naissance prématurée que pas de naissance du tout. Le problème vient des bergers, (j’en ai assez pour créer un syndicat), et des anges,( j’en ai trois sans compter celui ou celle, ce n’est pas clair, au sommet de l’arbre. L’année dernière j’avais décidé de ne garder qu’un/une, et les deux autres ont protesté vivement. Tout le monde sait qu’un/une ange déchu/e est dangereux, il suffit de lire « Paradise Lost » de Milton pour comprendre jusqu’à quel point. J’ai donc mis les trois et oublié « le divin enfant »
Cette année, il est bel est bien là, accomplissant le miracle de Noël en luttant vaillamment pour son espace vital qu’il doit partager avec deux vaches, deux ânes et onze moutons, sans parler de sa mère et de St Joseph.

Heureusement qu’il n’y a pas de chèvres.

Jacques Prévert

Hier j’ai reçu un joli cadeau de Noël : « Guignol » de Jacques Prévert. Ce texte, introuvable depuis cinquante ans est sorti des oubliettes grâce à Jean-Paul Liégeois des Éditions Cherche Midi. Publié avec les illustrations originales d’Elsa Henriquez, cette courte pièce de théâtre pour enfants, (et adultes) est un moment de bonheur. La fantaisie de Prévert enveloppe des vérités qui, depuis sa parution en 1952, sont toujours, malheureusement, d’actualité.
Elsa Henriquez qui a illustré les poèmes les plus connus de Prévert et plusieurs de ses livres pour la jeunesse est celle à laquelle le merveilleux « Pour faire le portrait d’un oiseau » est dédié. N’hésitez pas à plonger dans ce monde éclaté où j’ai une tendresse particulière pour le chien.
«  Les bêtes parlent tous les jours, mais les hommes ne les entendent que les jours de fête. »

Comme les chèvres n’ont plus le droit de lire le journal, je vais leur passer ce livre. J’attends leur verdict avec trépidation .

Le guide du désert et la chèvre

Il ne faut pas, absolument pas
, permettre aux animaux un libre accès aux informations. J’avais pris la très mauvaise habitude, une fois les journaux parcourus, de les faire passer aux animaux. Surtout les chèvres, car les moutons sont d’une stupidité incommensurable, seul le bouc sait lire et encore pas les mots de plus de deux syllabes. Mais les chèvres, c’est tout autre chose. La chèvre est intelligente et a une capacité d’analyse très pertinente. Elles avaient compris, il y a des lustres que Sarkozy était en route pour l’Elysée, que les 35 heures avaient vécu, que Cécilia ne faisait que passer, et que la politique étrangère de la France allait être légèrement secouée. Et c’est exactement pour cette raison qu’elles n’ont plus le droit de lire les journaux.
Mélodie, la douce Mélodie, le caprin obèse, aimé de tous, s’est prise d’une passion tout à fait déplacée pour l’auteur du petit guide vert. Elle a commencé en réclamant une tente, ensuite une djellaba, puis un treillis, des lunettes de soleil et depuis qu’elle sait qu’il a reçu un groupe de femmes, veut prendre le TGV direction la capitale. On a beau lui expliquer que c’était des femmes principalement de culture africaine, elle ne se démonte pas : « Moi aussi je suis noire, » ce qui est incontestable. 
« Oui mais tu es grosse »  dit l’horrible chèvre, ce qui est également incontestable, « et de toute façon il est retourné dans le désert. »
Mélodie est triste. Elle a découpé une photo prise en 1970 où il faut avouer que le Colonel sulfureux a fière allure, et l’a clouée sur le mur de la bergerie. Elle s’endort tous les soirs en pensant à lui. Et elle est bien la seule.
Cette solitude amoureuse m’attriste, alors j’ai glissé une photo d’Andrea Casiraghi  sous son oreiller. J’attends la suite..

Panne

Je suis en panne. Totalement et absolument. Pas la petite panne qui nécessiterait deux pinces crocodile et un peu de chance, mais la panne gigantesque qui vous enveloppe, vous enserre, et refuse de lâcher prise. Une sorte de vide sidéral, dans lequel je flotte, m’éloignant lentement, inéluctablement de la base. Pour ceux parmi vous qui regardez « Star Treck » vous savez quel sera mon sort sous peu. Et ce n’est pas réjouissant.
Pour avoir le cœur net j’ai fouillé dans une poche et trouvé une pièce de 20 centimes que j’ai lâché dans la nuit étoilée. J’ai commencé à compter, lentement, seconde par seconde, mais la petite pièce jaune, malgré tout son courage et abnégation, n’a jamais touché le fond. Perdue à jamais, privée injustement de rendez-vous avec Bernadette Chirac, elle erre, tout comme moi, dans les limbes du désespoir.
Je  n’ai plus d’alternative. Je suis au pied du mur.
Demain je rejoins Virginia Woolf au deuxième étage.

PS Je suis terrorisée.

« LA NUIT NOUS APARTIENT. » toujours.

Je commence à m’inquiéter. Suis-je la seule personne en France qui n’aime pas le film suscité. En ouvrant le journal ce matin je tombe sur : « somptueux » « palpitant » » éblouissant » « magnifique » « fabuleux » « fascinant » et finalement « magistral. » Que cela soit de droite, de gauche ou de nulle part, tous les journaux sont unanimes.
Alors je positive. D’abord personne n’a dit« shakespearien « , et pour le reste il s’agissait sûrement  d’Eva Mendes.
«

"La nuit nous apparatient", plus ou moins.

« LA NUIT NOUS APPARTIENT », PLUS OU MOINS.    

Lectrice assidue d’un mensuel cinéma dont je tairai le nom, je suis partie, faisant confiance à leurs quatre pages et autant d’étoiles, voir "La nuit nous appartient".  ( "We Own the Night ")
Pendant 1h 45, j'ai cherché "le drame psychologique et la puissance exemplaire de la tragédie classique", sans parler d’une "histoire criminelle se référant à un genre cinématographique précis mais relevant aussi du drame shakespearien".
La première réflexion qui s’impose : ce film est plus "sarkosien" que  "shakespearien" prônant
le "travailler plus et plus longtemps" si cher à notre président. Les personnages du père, commandant de police (Robert Duvall momifié) et son adjoint, doivent friser les 160 ans à eux deux. Conclusion : dans la police New Yorkaise on ne prend pas sa retraite on attend d’être tué "in the line of duty".
Plus encore, il ne suffit pas de passer au mixer un père avec fils (bon et indigne) rajouté une Eva Mendes (très belle), et quelques Russes d’avant Poutine pour faire du Shakespeare. La trame des drames shakespeariens est d’une simplicité à toute épreuve. Le roi Lear et ses trois filles, Macbeth, prêt à tout sacrifier pour le pouvoir, Hamlet qui rêve de vengeance, mais cette simplicité trompeuse est habillée d’un langage sublime et d’un sens de la mise en scène magistral. Le metteur en scène James Gray "aime laisser (ses) comédiens improviser".  Si le : "Je t’aime", "Moi aussi" de la fin sont un exemple de cette liberté il aurait peut-être mieux fait de les surveiller de plus près.
Je suis dure, je sais, en plus j’aime Joaquin Phoenix, dire si j’étais déçue. Mais il ne faut pas perdre le moral. Je l’ai adoré en Johnny Cash dans « Walk the Line ». Il a un peu grossi depuis et avec quelques petits kilogs en plus je le vois totalement incarnant le grand Elvis dans « I’m all shook up ! »

PS La signature chez Privat-Juliard  à Dijon s’est très bien passée. La chèvre était décue.