Hier, la plus belle soirée de l’été se passait dans la forêt de Saoû, avec Mozart. C’est la première fois que nous assistons à ce concert très particulier car à cette époque la maison est très habitée. Mais le « visiteur » a beaucoup insisté pour que j’accepte l’invitation d’Henry Fuoc, alors nous avons embarqué numéro 1 et 2 et mis 3, 4 et 5 sous scellé.
Le cadre était enchanteur, (les photos ne vous donneront qu’une petite idée de la magie du lieu,) et l’Académie baroque européenne d’Ambronay, magnifiquement encadrée par Martin Gester, a su capturer toute la légèreté mozartienne. Les chanteurs, jeunes, beaux et talentueux, (français, portugais et argentins,) ont réussi le pari difficile de chanter en plein air devant un public averti de 750 personnes. Les habitués du festival, forcément « sans cravates », mais pas moins exigeants pour autant, ne pouvaient que leur accorder une « standing ovation. »
« Et moi », a dit « le Visiteur de Saoû » manifestement dépité. Je lui ai expliqué que pour lui il ne s’agissait pas de rester debout et d’applaudir, mais de voyager par monts et par vaux afin d’être lu, en attendant d’être joué, par le plus de monde possible. Et c’est ainsi que les choses se sont déroulées.
Je n’ai jamais signé pendant un concert. Jamais signé pendant un entracte. Mais il n’y a que des avantages. Cela ne dure pas longtemps, (stress réduit au minimum), c’est terriblement concentré, et cela marche. Cela marche grâce à Henry Fuoc qui non seulement organise des festivals de rêve, mais fait aussi des annonces extrêmement persuasives, alors les gens se sentent obligés de venir me voir. Ravie de cette expérience, j’ai décidé de m’organiser autrement. Je laisse tomber tous les projets en cours et travaille sur « Le Visiteur de Saoû » , saison deux.
Henry Fuoc ne le sait pas encore, mais je suis sûre qu’il sera partant.
Demain je pars à Saoû écouter le Octuor à vents de Prague avec Vladimira Klanska et je ne serai pas seule. « Le Visiteur de Saoû » fera son entrée dans le monde et il en est excessivement fier. Je suis heureuse de l’accompagner, heureuse de voir qu’il commence à exister, bien que les signatures me fassent toujours un peu peur, (contrairement aux Salons de livres que j’adore.)
Je vais donc signer à Saoû là où tout avait commencé au mois de mai l’année dernière, avec un « visiteur » tout gonflé de sa propre importance. Car maintenant c’est sûr, la pièce sera jouée, pas pour le festival, mais dans de très bonnes conditions et par des professionnels. Cette histoire, faite de hauts et de bas, aura un « happy end » comme je les aime.
« Je t’avais bien dit que j’étais incontournable, » déclare le petit homme avec la suffisance propre aux génies. Puis, d’une voix mi-Jouvet, mi Gérard-Philippe : « ‘D’où je viens il y a ni pluie, ni neige, ni grêle, ni vent ! Il ne fait ni chaud ni froid et les saisons se confondent dans une seule et éternelle béatitude…’ Laissez une réplique comme cela dans un tiroir ! » Il se place devant une glace, se positionne de profil : « ‘Il me semble que c’est le profil droit habituellement, ou peut-être le gauche ?... ’ » La voix résonne, se heurte aux murs, fait éclater les vitres, affole les pigeons, crève le tympan de la chèvre, pour se perdre, enfin, le long de la rivière.
Je suis heureuse que cette pièce ne soit plus muette.
Je redoute les mois à venir.
J’ai acheté, et distribué à famille et animaux, des boules Quiès.
Dimanche il fera beau. Pas « dimanche il fera peut-être beau », ou « dimanche j’aimerais qu’il fasse beau », et surtout pas « dimanche je ne pense pas qu’il pleuve ». Dimanche Jacques André reçoit ses auteurs, les amis de ses auteurs et les amis des amis. Tous les ans en juin il réunit son monde et c’est un moment très particulier pour cette communauté des lettres. Il n’est plus question de manuscrit refusé ou à retravailler, de couverture qui fâche, ou de page blanche mais juste un moment pour se retrouver et pour rêver. Il y a toujours de la musique, des contes, de la poésie, des échanges, des projets échafaudés, et au moment de se séparer, on se dit que l’écriture est tout de même une belle aventure.
Cette année Jacques André réunit son monde dans la Drôme.
La chèvre est invitée.
Les deux photos, un peu sérieuses, n'étaient pas prises à Brindas, mais à Romans lors de mon entrée dans l'Académie Drômoise. Pour l'Anglaise que je suis, amoureuse de la France, de la langue française et, last but not least, d'un Français, c'était un moment très émouvant.
À gauche sur la photo Henry Fuoc, président fondateur du festival Drômois " Saoû chante Mozart", ancien directeur lyonnais de l'Express et de RTL, et à droite, Pierre Vallier, l'homme de lettres merveilleux. Dire que j'étais impressionnée par mes deux parrains serait en-dessous de la vérité, d'où un trac exceptionnel et un bonheur à la hauteur de mon émotion.