Nous sommes totalement enneigés et sans téléphone. Tout est magnifique et immaculé. J’ai chaussé mes bottes pour aller saluer les animaux. La chèvre m’attendait avec un petit sourire tordu. « Ça fait longtemps. » Elle a raison, très longtemps même. « Tu travailles à ton opus magnus ? » Je n’aime pas bien la façon dont elle a dit « opus magnus », mais pour une fois que mes proches s’intéressent à ce que je fais, je ne peux m’empêcher d’être touchée. Je lui explique, alors, que j’entrevois la fin. Un mois ou deux maximum. Là, elle éclate de rire, s’esclaffe, tape les cornes contre la bergerie et montre tous les signes d’une hilarité extrême. Un mouton noir qui passait s’est même inquiété : « Elle doit être malade, elle ne rit jamais, ou plutôt pas souvent et quand cela lui arrive ce n’est jamais bon signe ! Moi je fais comme Johnny Hallyday, je me casse, » et il est parti se frayant un chemin à travers la neige fraîche. Je suis toujours étonnée de voir que les animaux sont au courant de tout, du moins des choses importantes de la vie, mais pour l’instant je suis préoccupée avec la chèvre qui, maintenant, se roule dans la neige. Je m’inquiète prudemment de son état. Elle se lève, se secoue et me regarde : « Tu as dit « la fin ? » J’acquièsce. « Mais c’est à peine le début ! L’éditeur va s’emparer de ton texte, il va le disséquer, le déchiqueter, le mettre en mille morceaux. Il va te demander de revoir, reconstruire, réécrire, remanier, voir même, » et l’horrible chose a marqué un temps d’arrêt pour bien appuyer là ou ça fait mal, « voire même, tout recommencer. »
Je tourne le talon dignement, pas facile dans 60 centimètres de poudreuse et regagne la maison. J’allais lui dire que le « Visiteur de Saoû » allait être joué en mai. Que j’étais vraiment très heureuse. Que j’avais rendez-vous la semaine prochaine avec le metteur en scène et puis finalement je ne dirai rien à personne.
Je me sens incomprise.
Une certitude, la neige est là pour durer et les choses vont devenir difficiles. Alors si jamais nous nous trouvons à court de nourriture, nous mangerons la chèvre.
quel bonheur ce doit être la mise en scène de son livre… Profitez, profitez de ces instants magiques (et de la neige et des silences aussi).
Tous mes voeux d'écriture !
Rédigé par : ficelle | 09/01/2010 à 21:53
Bon courage pour la dernière ligne droite et ...pitié pour la chèvre!:))
Rédigé par : cathulu | 09/01/2010 à 22:12
ficelle : c'est vrai qu'une pièce "muette" est bien triste. Je suis ravie de ce projet, très contente du choix du metteur en scène et des comédiens. "Le Visiteur..." a beaucoup de chance. Tous mes voeux pour un troisième roman.
cathulu : la chèvre est actuellement en sursis...
Rédigé par : mary dollinger | 10/01/2010 à 09:27
Et bien moi, même si on a beaucoup moins de neige que ne le dis la TV, je passe pas mal de temps sous ma couette à la lecture de super thrillers !
Rédigé par : Géraldine | 12/01/2010 à 20:30
Elle l'aura cherché. Je vous souhaite une très belle année à toi et Alain, pleine de bonheur. Je vois d'ailleurs que ça commence avec des bonnes nouvelles, et j'en suis ravie pour toi.
Rédigé par : maijo | 13/01/2010 à 16:46
Géraldine : je suis à fond dans Harlan Coben. Je l'adore.
Maijo : Une très belle année pour toi aussi. Combien d'année encore dans ce lointain pays ? Comment se débrouillent les trois petits diables avec le mandarin ?
Rédigé par : mary dollinger | 13/01/2010 à 19:50
hello, je viens juste de lire votre article "météo et littérature" je me suis régalée... dialogue entre l'auteur et sa chèvre très intéressant avec un brin d'humour tout passe mais je vous en supplie ne mangez la chèvre!!!
Rédigé par : la quincaillère | 16/01/2010 à 11:13
la quincaillère : mon blog est un peu en panne en ce moment, alors merci d'être passée. Pour la chèvre tout dépendra de son comportement dans les jours à venir...
Rédigé par : mary dollinger | 16/01/2010 à 11:37
la quincaillère bis : malgré ou à cause du pseudo, je crois que nous nous connaissons...
Rédigé par : mary dollinger | 16/01/2010 à 14:05