L’œil de la chèvre pétille. Je jurerais qu’elle sourit. « Tu n’as pas l’air en forme, » dit-elle avec une certaine satisfaction. « D’ailleurs, cela se sent avec toutes ces histoires de cimetières et de chrysanthèmes, ce n’est vraiment pas ton genre. » Je m’abstiens de lui dire que les marches en pierre, ayant laissé, amoureusement leur empreinte, m’ont obligée à rester cloîtrée quelque temps ce qui pousse à l’introspection.
Je lui apprends l’arrivée des petits-enfants 3 et 4. « Et numéro 5 ? » dit-elle, l’œil sombre et les cornes à l’affût. Je lui apprends que numéro 5 a des obligations et ne fait pas partie du package. « Et tant mieux, car cette fois, il n’y aura pas de quartier ! »
Il faut préciser que numéro 5 adore les animaux. Adore se balader dans leur champs. Adore se promener avec eux. Adore manier un grand bâton. J’aimerais croire que ses intentions soient honorables, mais j’ai bien peur que numéro 5 ait
un côté sadique inavoué, et adore, aussi, affoler la basse-cour.
« Elle le fera, elle me l’a dit, « souffle Mélodie, en regardant la chèvre en coin. « D’ailleurs, elle s’entraîne, et ça fait mal ! »
Je serais plutôt un disciple de Rousseau. Je défends, mais sans vraiment empêcher, en me disant que la leçon sera salutaire. L’enfant qui se brûle sur le poêle à bois n’a pas envie de recommencer, celui qui saute par la fenêtre du premier étage n’est pas en état de le refaire, celui qui veut absolument goûter l’alcool fort se trouve dans un coma éthylique et ne pose plus aucun problème de discipline, et celui auquel j’interdis d’affoler les animaux, ne va pas tarder à être transpercé par les cornes de l’horrible chèvre.
Je ne suis pas sans cœur. Je lui ferai porter un gilet matelassé.
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