Ma mère adorait les fleurs. Elle n’avait pas de préférence, de la plus humble à la plus aristocratique, toutes étaient les bienvenues dans le jardin envahi et la maison complice. Le repassage s’empilait, la poussière prenait ses aises, les repas n’étaient jamais à l’heure, et le chien se servait tout seul, nous aussi d’ailleurs, mais la maison était toujours remplie de bouquets. De grandes brassées de fleurs sauvages, des structures plus austères, sortes d’expressions post-holocauste qui nous mettaient mal à l’aise, de petites choses romantiques, si petites, si fines, et la belle fleur unique, qui n’avait besoin que de sa beauté solitaire. Mais pardessus tout, elle aimait les chrysanthèmes. Je ne partageais pas cette passion. Pour moi fleurs étaient synonymes de chaleur, de soleil, d’herbes folles caressant mes jambes nues pendant que je coupais les tiges délicates, le regard inquisiteur de pétales colorés tourné vers moi, alors que j’infligeai, sans pitié, cette petite mise mort. Pour cueillir des chrysanthèmes, il fallait bonnet, moufles et anorak, le tout bien encombrant et dépourvu de poésie. Je décrétais, donc, ces fleurs sans intérêt.
« Sans intérêt ! » criait ma mère. « Alors que le ciel est gris, le sol gelé, le vent nous coupe les oreilles, les oiseaux sont muets, mais les chrysanthèmes, ils sont là ! Ils nous apportent leurs couleurs
, leur fougue généreuse, leur courage ! »
« My God ! » disait mon père qui avait appris à être stoïque, et était naturellement terre-à-terre « voici les chrysanthèmes. Je vais sortir nous acheter des sandwichs. »
Et c’est ainsi que j’ai vécu une jeunesse campagnarde à forte connotation végétale, qui m’a rattrapé un 28 Octobre. Me rendant, pour la première fois, en week-end chez mes futurs beaux-parents, j’ai offert à ma presque belle-mère la plante préférée de la mienne.
Le lendemain nous nous sommes rendus au cimetière pour l’offrir à un aïeul logé dans un HLM de l’au-delà, et qui m’a glissé, en partant : « Prends des chocolats la prochaine fois, je ne les aimais pas beaucoup de mon vivant, cela m’évitera de les subir inutilement pendant ma mort. »
je les aimes beaucoup moi, les chrysanthème. Mon père m'en a toujours offert pour mes anniversaires. Ce n'est qu'en arrivant en France que j'ai appris la connotation tombale de ces fleurs. Mais cela n'a rien changé à la chose. Je les aime toujours autant mes chrysanthèmes. Et même si on m'offre plus de fleurs, j'essaie toujours de me les procurer dès que l'occasion se présente.
Merci pour cette belle photo, Mary.
Amicalement,
Rédigé par : lili | 21/11/2008 à 11:31
Ah les conventions ! :-)
Rédigé par : Thael | 21/11/2008 à 11:52
Monsieur,
petite bibliothèque de village associative, nous cherchons à établir des partenariats avec des auteurs plus ou moins connus du public! Nous voudrions trouver des auteurs lorrains susceptibles de nous fournir gratuitements leurs oeuvres pour les exposer à la bibliothèque et en échange de les faire découvrir à nos lecteurs, de faire de la publicité par la voie internet et information locale.
Aussi, j'aimerais savoir si ce genre d'action serait susceptible de vous intéresser .
salutations
DEMOLY Karine
Rédigé par : DEMOLY | 21/11/2008 à 11:56
lili : comme toi j'aime ces fleurs, et regrette beaucoup leur mauvaise presse.
Thael : comme lili, j'ouvre pour la réhabilitation des chrysanthèmes.
Karine : le "monsieur" vous a répondu par mail.
Rédigé par : mary dollinger | 21/11/2008 à 12:08
"Les H.L.M. de l'au-delà" J'adore cette expression, voilà encore un nuveau titre extra pour ton prochain bouquin de nouvelles ! Je suis certaine que Jacques André il trouverait ça génial !
Moi aussi j'aime les chrysanthèmes !
Je t'embrasse
Joëlle
Rédigé par : LE CHEMIN DU BONHEUR | 21/11/2008 à 12:39
J'aime bien ces fleurs qui mettent de la couleur dans le jardin à un moment où il n'y en a plus trop :)
Rédigé par : Joelle | 21/11/2008 à 12:39
Avant je ne les aimais pas non plus. Mais depuis peu, va savoir pourquoi, je les admire. Vives, aux couleurs chatoyantes, elles égayent un temps morne et gris surtout ici en Bretagne. Je n'aime pas ces traditions d'apporter des fleurs à nos ancêtres uniquement le "jour des morts" mais il faut avouer que durant 1 à 2 semaines les cimetières revivent un peu grâce à cette fleur magique. Les japonais l'adore, elle est d'ailleurs bcp représentée en tatouage.
Rédigé par : Nath | 21/11/2008 à 13:21
Chemin du Bonheur/Joëlle :merci pour les "HLM". Tu les retrouveras dans un prochain manuscrit. (I Hope)
Joëlle : finalement tout le monde aime les chrysanthèmes qui deviennent de moins en moins mortifères.
Nath : j'ai beaucoup fréquenté les cimetières ces temps-ci, et les habitants préféreraient que les visites soient plus étalées dans l'année !
Rédigé par : mary dollinger | 21/11/2008 à 14:16
J'ai commencé à aimer les chrysanthèmes à peine débarquée en France, et ce pour les mêmes raisons que ta maman. Penses-tu, après avoir vécu toute ma vie dans un pays où tu vois de belles fleurs 365 jours par an...
Rédigé par : maijo | 21/11/2008 à 21:09
Joëlle a raison, il faut faire une petit livre, sur les pensées du cimetière ou autres. tu les racontes si bien! Les fleurs c'est une touche de couleurs au ciel gris de notre campagne!
A bientôt
ERIKA
Rédigé par : erika | 22/11/2008 à 12:04
Bonjour, des fleurs qui sont trop liées pour moi à la mort, mais je reconnais qu'un beau bouquet de crysanthèmes c'est joli, je vous souhaite un bon dimanche à bientôt
Rédigé par : revelise | 23/11/2008 à 10:08
J'ai travaillé autrefois à Aubagne, d'où dit-on est issu le gentilhomme qui nous a rapporté ces merveilleuses fleurs de Chine! Je les trouve somptueuses aussi, se moquant du froid, chantant dans les cimetières... faisant chanter les cimetières...
Rédigé par : Edmée | 23/11/2008 à 15:28
maijo : justement, la merveille des chrysanthèmes est de fleurir à un moment où tout se meurt.
erika : tu es trop gentille, mais j'ai du mal à me fixer !
revelise : justement, je travaille à leur réhabilitation !
Edmée : c'est vrai que le chant des cimetières est somptueux, mais j'essaie de propager ce chant dans des lieux plus animés !
Rédigé par : mary dollinger | 23/11/2008 à 19:12