Comme nous habitons un petit village, le cimetière n’est forcément pas très loin. Tous les ans, aux abords de la Toussaint ce lieu austère et peu accueillant, se transforme en tapis de fleurs. Une fois par an, les morts font la fête, c’est peu, mais ils y tiennent.
« Vous savez, » me dit un vieux grand père qui avait eu la chance de mourir en 1912 à 96 ans, « cela réveille un peu, et permet de faire connaissance. » Je lui fais remarquer qu’il avait bien choisi la date de son départ, car à partir de 1914 les choses allaient sérieusement se gâter. « Vous n’êtes pas obligée de me le dire ! Lorsque je suis arrivé nous étions bien tranquilles, et puis il est venu beaucoup de monde, surtout des jeunes. Alors des jeunes dans un lieu pareil c’est triste car ce n’est pas vraiment leur place.« Il hésita un instant avant de continuer : « Mais vous ne pouvez pas imaginer le boucan qu’ils
font ! C’est intenable parfois. Chez-vous, les jeunes finissent par grandir et se calmer, chez nous ils sont figés dans leur bouillante jeunesse. » Ce côté de l’éternité m’avait échappé, et je choisis séance tenante de me faire incinérer en faisant répandre mes cendres dans un endroit totalement isolé. « Mais le pire, » continua ce charmant vieillard, « ce sont les bébés ! Heureusement il en vient moins maintenant. Mais un bébé dans un cimetière reste un bébé, et il pleure. C’est dur à supporter. Il faudrait que les tombes soient groupées par tranche d’âge pour que chacun puisse être un peu tranquille. Mais les gens ont la manie de se faire enterrer en famille. Alors à force de se disputer de leur vivant, ils continuent bien après. Et, l’éternité, c’est très long, vous savez. » Il soupira, faisant voler la mince couche de poussière qui habillait délicatement sa pierre tombale.
Ces quelques fleurs, un peu dolentes, à peine défraîchies, mais belles, ces fleurs, je les offre à cet homme qui m’a appris que l’éternité n’est pas du tout ce que l’on pense.
J'aime beaucoup ce texte sur l'éternité. De la poésie s'en échappe.
Je ne sais pourquoi, sa lecture me rend nostalgique...
Rédigé par : aquarelle | 19/11/2008 à 19:45
très belle note, pleine de douceur et de tendresse malgré l'ambiance...des bises
Rédigé par : sympho2 | 19/11/2008 à 20:20
j'adore cette petite histoire... excellent
Rédigé par : vickie | 19/11/2008 à 20:34
aquarelle : je te rejoins dans la nostalgie.
sympho2 : la douceur est parfois thérapeutique.
vickie : thank you.
Rédigé par : mary dollinger | 19/11/2008 à 21:38
Quel humour extraordinaire que le tien, Marie ! Pour être tranquille, il n'y a que l'espace, le vide sidéral, où la vraie solitude peut se trouver, n'est-ce-pas ?... Bonne journée sur cette Terre si riche de tant de créatures ! Bises !
Rédigé par : Chloé | 20/11/2008 à 08:31
Joli conversation... Moi j'aime bien les cimetières. Fleuris ou pas. Lieux d'errances et de vie, aussi.
Rédigé par : Nath | 20/11/2008 à 09:42
Chloé : pas besoin de courir le vide sidéral, la vraie tranquillité c'est la solitude entourée du bruit à peine perçu de la nature qui vit.
Rédigé par : mary dollinger | 20/11/2008 à 09:54
Nath ; là où il y a la vie, il y a toujours la mort qui l'accompagne. Pour moi, le bonheur dans la mort se trouve dans les cimetières des petites églises en Angleterre. Verdure et paix.
Rédigé par : mary dollinger | 20/11/2008 à 10:00
C'est beau, ce texte ... et j'aime me promener dans les cimetières anglais, on se sent vraiment en paix !
Rédigé par : Joelle | 20/11/2008 à 11:44
Mary ! Ce texte est absolument génial : Il faudrait que tu songes à faire un nouveau petit livre genre "les pensées de Mary l'anglaise qui cuisait les bébés" Tiens, je retourne le lire !
Je t'embrasse
Joëlle
Rédigé par : LE CHEMIN DU BONHEUR | 20/11/2008 à 12:15
Vraiment joli texte, qui malgré tout parle de repos éternel, même si un peu bousculé par les nouveaux voisins de tout âge. Le vieux monsieur a un petit sourire en coin qui fait plaisir!
Rédigé par : Edmée | 20/11/2008 à 12:21
Des bébés et des pleurs... et des jeunes en éternelle adolescence... mais c'est donc ça qui nous attends?!!!
Pitié, avec tout mon respect pour les pierres tombales, j'ai déjà opté pour l'incinération tout en mettant au courant mon cher et tendre (car il a beau le nier mais je sais que j'partirai avant lui) pour qu'il fasse le nécéssaire après mon départ précipité en repandant mes cendres dans ma chère Méditerrannée... pour que je puisse être dans mon élément... pour l'éternité...
Et les bébés, non merci!
Rédigé par : lili | 20/11/2008 à 16:04
J'aime ton texte, plein de vibrations... (je n'aurais jamais osé l'écrire). J'aime aussi les cimetières anglais, beaucoup plus gais qu'ici, en France...
Bises
Rédigé par : petites causeries | 20/11/2008 à 16:54
Joëlle et Ayzade : merci de garder, comme moi, une tendresse for English graveyards.
Chemin du bonheur : small a beau être beautiful,je ne pense pas que ce petit livre ait du succès !
Edmée : j'adore me promener dans les cimetières en essayant d 'imaginer la vie des habitants.
lili : tu ne peux pas dire que je ne t'ai pas prévenue !
Rédigé par : mary dollinger | 20/11/2008 à 18:46
J'aime le récit de ta balade. Moi j'évite les cimetière car cela me met face à ma future demeure...
ERIKA
Rédigé par : erika | 20/11/2008 à 19:01
Erika : j'aime assez faire le tour de la propriété avant de m'y installer!
Rédigé par : mary dollinger | 21/11/2008 à 12:05
Qu'il est touchant ton texte, Mary. Un vrai régal à savourer doucement (et à relire à loisir).
Rédigé par : maijo | 21/11/2008 à 21:00
maijo : thank you et embrasse les trois petits princes.
Rédigé par : mary dollinger | 23/11/2008 à 18:57
merci de ton passage sur mon blog je viens de découvrir le tien merci
je reviendrai
bonne semain
I can speak english if you want
Rédigé par : esperance | 23/11/2008 à 21:44
esperence : please do speak english ! I love your photographs. Thank you for calling in.
Rédigé par : mary dollinger | 23/11/2008 à 21:56