Le fait d'avoir un cv qui tient sur un timbre poste n'est pas une bonne chose pour un écrivain. Il faudrait une bibliographie qui sent le souffre, la débauche, l'exotisme, l'extraordinaire, l'interdit. Au moins. De ce côté-là, chez moi, c'est plutôt le néant.
L'autre jour on m'a tendu une paille, une toute petite ouverture vers le sensationnel, et j'ai bien envie de m'y accrocher avec toute la force du désespoir d'être plus ou moins normale. Un défaut impardonnable dans le monde de l'édition.
LA TRIBUNE DE MONTELIMAR a publié un article, tout à fait gentil, sur mon passage à Grignan pour un café littéraire. Mais ce n'est ni l'article, ni la photo qui ont retenu mon attention, mais le titre : " Café Littéraire :
MARY DILLINGER." Et je me suis mise à rêver.
Si vraiment on me prenait pour une descendante de John Dillinger, j'aurais mes chances partout. Non seulement il était violent, immoral, beau gosse et élégant, en plus son nom est très connu, même si certains n'ont qu'une très vague idée de son parcours véritable. Mais tout le monde sait qu'il était mauvais. Très mauvais. Et c'est cela qui compte.
J'ai téléphoné tout de suite à mon éditeur pour savoir si je pouvais changer mon nom et pimenter mon cv que je voyais très clairement. Je serais la fille d'une de ses nombreuses maîtresses. Ma mère aurait été belle et instable, droguée ou alcoolique, ou les deux, je n'avais pas encore décidé, et j'aurais été abandonnée dans une poubelle derrière the Biograph Théâtre, lieu de son assassinat. Le reste de ma vie n'est pas encore très clair, mais ce n'est pas la peine de m'y attarder, car Jacques André refuse toute modification, pour des raisons d'éthique. Il m'a beaucoup déçue.
La mort dans l'âme je fais une lettre à la rédaction pour demander une toute petite réctification. Je l'affranchirai avec un timbre vert. Tout le monde sait que ces sous-lettres mettent des années pour arriver à destination.
Je sens que mon père sera content.
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