Quel est le lien entre gastronomie et création littéraire ? La réponse est simple : aucun. Ayant pris de bonnes résolutions, ayant réussi à progresser timidement de quelques pages et de quelques idées, je viens d'être foudroyée par l'hospitalité généreuse des habitants de la Drôme qui n'ont jamais entendu parler de "Carême" et fêtent la semaine sainte joyeusement en mangeant plus que d'habitude.
Nous avons débuté dans le Diois par la merveille des merveilles
: de petits toasts de beurre salé aux truffes. Le ratio entre le beurre et les truffes était lesté totalement en faveur des truffes, et ces petites choses resteront parmi un de mes meilleurs souvenirs gastronomiques. Elles étaient peut-être petites, mais elles s'étendaient à perte de vue, nos hôtes ayant un stock illimité de truffes, et, évidemment, c'était irrésistible. Mais ils avaient aussi, comme tous les gens bien d'ici, leur propre charcuterie provenant de leur propre cochon, (défunt) et tenaient, en embuscade, saucisson et murson,( sorte de cervelas à la couenne et la viande de porc.) Le reste du repas était un peu flou, mais au dessert on nous a servi de la clairette de Die, provenant de leurs vignes, qui n'a pas sa pareille pour achever une anglaise. Mais il faisait très beau
et nous sommes partis faire une promenade digestive dans les vignes avec vue époustouflante sur les collines bleutées, un peu embrumées, le tout si romantique, si beau, que je n'avais qu'une hâte de rentrer à la maison pour écrire où, une fois passée la porte d'entrée, je me suis effondrée dans un fauteuil pour dormir pendant deux heures. Bien entendu, mon chef d'oeuvre n'a pas avancé d'une virgule.
La suite est pour gastronomes avancés : un déjeuner, le lendemain, chez le président de la Chasse. En entrée : terrine de porc, ( le leur bien sûr), terrine de chevreuil,( tué par le président), caillette,( le même porc que tout à l'heure), et saucisson de sanglier,( tué et fabriqué par le fils.) Le tout absolument délicieux. Mais, était-ce bien raisonnable car ce n'était que le début ? Quant à la fin, de nouveau, sans pitié, on me verse de la clairette de Die, et je commence à voir trouble. Mais, une fois de plus, je suis ressuscitée par une petite promenande, cette fois pour visiter brebis avec clochette et agneaux sous un ciel plus bleu que bleu, boeufs impressionnants,
ânes familiers, chien de chasse à volonté, un cadre de rêve et de nouveau je sens frémir la fibre créatrice qui s'évanouit avant même de passer la porte de la maison, car cette fois, atteinte par la chaleur, je m'écroule sur la première chaise de jardin et ne la quitte qu'avec le crepsucule.
En conclusion, il n'est pas facile d'être écrivain, ou plutôt de le rester, tout le monde conspirant avec énormément de gentillesse, à vous écarter du droit chemin, tout en vous demandant : "À quand votre prochain roman ?" Question à laquelle je ne saurais répondre.
En revanche, mon mari veut acheter un cochon, et là, j'ai exercé, très fermement, mon droit de veto.
tu me donnes faim, Mary!!! avec tous ces délices culinaires... pour ma part, j'ai fait bonne chair moi-aussi car mon homme m'a invitée ce week-end tous les midis au restau et les spécialités bavaroises ne sont pas vraiment diététiques! Résultat: petite sieste de 2h tous les après-midis au bon soleil... bises
Rédigé par : l'européenne | 09/04/2007 à 15:51
Quelle verve ! On s'y croirait. Et combien est vraie l'idée que tout conspire pour nous éloigner de l'objet de nos désirs. Le moindre prétexte est bon d'ailleurs : un bon repas avec les voisins et les amis, un besoin de repos, le soleil qui nous appelle, une présence indésirable dans la pièce dont on a décidé de faire son antre, voire même la vaisselle qui attend dans l'évier... Pour ma part, j'ai avancé de deux pages en un mois à ce rythme-là : pas prêt d'être terminé ce roman.
Ambre
Rédigé par : Ambre | 03/05/2007 à 12:33