« Comment as-tu pu le laisser partir ? » dit Mélodie en étouffant un sanglot. « C’est si loin, si haut. Il n’y a pas d’électricité, pas d’eau courante, et pas de journaux ! » Je n’avais pas pensé à cet aspect de la transhumance, et c’est vrai que le berger qui aime beaucoup lire la presse va être sérieusement privé. « Et qui va s’occuper de nous ? » Sanglots étouffés alors que je lui explique que pendant quelques jours il faudrait se contenter d’une bergère. « Mais je n’en veux pas ! Tu ne sais pas faire ! Lui, d’abord … » Suit une longue chronique que je passe sous silence, sorte de roman du terroir, matinée de sentiments fortement sucrés et infiniment indigestes, et je prends note d’exiger du berger, à son retour, un peu plus de rigueur dans l’exercice de ses fonctions. Elle conclut, l’œil humide, soupir désespéré : « … puis après un dernier câlin il me dit : ‘Bonne Nuit, petite Mélodie, fais de beaux rêves.’ »
Écoeurée, à la limite de la crise de foie, pestant contre le berger qui me laisse un troupeau en bien mauvais état, je suis achevé par l’horrible Chèvre qui arrive en ricanant, roulant ses yeux globuleux tels des billes maléfiques et qui déclare d’un ton péremptoire : « Elle te raconte n’importe quoi ! La transhumance c’est fin juin. Si tu veux mon avis le berger s’est tout simplement taillé ! »
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