MARY DOLLINGER

Le guide du désert et la chèvre

Il ne faut pas, absolument pas
, permettre aux animaux un libre accès aux informations. J’avais pris la très mauvaise habitude, une fois les journaux parcourus, de les faire passer aux animaux. Surtout les chèvres, car les moutons sont d’une stupidité incommensurable, seul le bouc sait lire et encore pas les mots de plus de deux syllabes. Mais les chèvres, c’est tout autre chose. La chèvre est intelligente et a une capacité d’analyse très pertinente. Elles avaient compris, il y a des lustres que Sarkozy était en route pour l’Elysée, que les 35 heures avaient vécu, que Cécilia ne faisait que passer, et que la politique étrangère de la France allait être légèrement secouée. Et c’est exactement pour cette raison qu’elles n’ont plus le droit de lire les journaux.
Mélodie, la douce Mélodie, le caprin obèse, aimé de tous, s’est prise d’une passion tout à fait déplacée pour l’auteur du petit guide vert. Elle a commencé en réclamant une tente, ensuite une djellaba, puis un treillis, des lunettes de soleil et depuis qu’elle sait qu’il a reçu un groupe de femmes, veut prendre le TGV direction la capitale. On a beau lui expliquer que c’était des femmes principalement de culture africaine, elle ne se démonte pas : « Moi aussi je suis noire, » ce qui est incontestable. 
« Oui mais tu es grosse »  dit l’horrible chèvre, ce qui est également incontestable, « et de toute façon il est retourné dans le désert. »
Mélodie est triste. Elle a découpé une photo prise en 1970 où il faut avouer que le Colonel sulfureux a fière allure, et l’a clouée sur le mur de la bergerie. Elle s’endort tous les soirs en pensant à lui. Et elle est bien la seule.
Cette solitude amoureuse m’attriste, alors j’ai glissé une photo d’Andrea Casiraghi  sous son oreiller. J’attends la suite..

Panne

Je suis en panne. Totalement et absolument. Pas la petite panne qui nécessiterait deux pinces crocodile et un peu de chance, mais la panne gigantesque qui vous enveloppe, vous enserre, et refuse de lâcher prise. Une sorte de vide sidéral, dans lequel je flotte, m’éloignant lentement, inéluctablement de la base. Pour ceux parmi vous qui regardez « Star Treck » vous savez quel sera mon sort sous peu. Et ce n’est pas réjouissant.
Pour avoir le cœur net j’ai fouillé dans une poche et trouvé une pièce de 20 centimes que j’ai lâché dans la nuit étoilée. J’ai commencé à compter, lentement, seconde par seconde, mais la petite pièce jaune, malgré tout son courage et abnégation, n’a jamais touché le fond. Perdue à jamais, privée injustement de rendez-vous avec Bernadette Chirac, elle erre, tout comme moi, dans les limbes du désespoir.
Je  n’ai plus d’alternative. Je suis au pied du mur.
Demain je rejoins Virginia Woolf au deuxième étage.

PS Je suis terrorisée.

« LA NUIT NOUS APARTIENT. » toujours.

Je commence à m’inquiéter. Suis-je la seule personne en France qui n’aime pas le film suscité. En ouvrant le journal ce matin je tombe sur : « somptueux » « palpitant » » éblouissant » « magnifique » « fabuleux » « fascinant » et finalement « magistral. » Que cela soit de droite, de gauche ou de nulle part, tous les journaux sont unanimes.
Alors je positive. D’abord personne n’a dit« shakespearien « , et pour le reste il s’agissait sûrement  d’Eva Mendes.
«

"La nuit nous apparatient", plus ou moins.

« LA NUIT NOUS APPARTIENT », PLUS OU MOINS.    

Lectrice assidue d’un mensuel cinéma dont je tairai le nom, je suis partie, faisant confiance à leurs quatre pages et autant d’étoiles, voir "La nuit nous appartient".  ( "We Own the Night ")
Pendant 1h 45, j'ai cherché "le drame psychologique et la puissance exemplaire de la tragédie classique", sans parler d’une "histoire criminelle se référant à un genre cinématographique précis mais relevant aussi du drame shakespearien".
La première réflexion qui s’impose : ce film est plus "sarkosien" que  "shakespearien" prônant
le "travailler plus et plus longtemps" si cher à notre président. Les personnages du père, commandant de police (Robert Duvall momifié) et son adjoint, doivent friser les 160 ans à eux deux. Conclusion : dans la police New Yorkaise on ne prend pas sa retraite on attend d’être tué "in the line of duty".
Plus encore, il ne suffit pas de passer au mixer un père avec fils (bon et indigne) rajouté une Eva Mendes (très belle), et quelques Russes d’avant Poutine pour faire du Shakespeare. La trame des drames shakespeariens est d’une simplicité à toute épreuve. Le roi Lear et ses trois filles, Macbeth, prêt à tout sacrifier pour le pouvoir, Hamlet qui rêve de vengeance, mais cette simplicité trompeuse est habillée d’un langage sublime et d’un sens de la mise en scène magistral. Le metteur en scène James Gray "aime laisser (ses) comédiens improviser".  Si le : "Je t’aime", "Moi aussi" de la fin sont un exemple de cette liberté il aurait peut-être mieux fait de les surveiller de plus près.
Je suis dure, je sais, en plus j’aime Joaquin Phoenix, dire si j’étais déçue. Mais il ne faut pas perdre le moral. Je l’ai adoré en Johnny Cash dans « Walk the Line ». Il a un peu grossi depuis et avec quelques petits kilogs en plus je le vois totalement incarnant le grand Elvis dans « I’m all shook up ! »

PS La signature chez Privat-Juliard  à Dijon s’est très bien passée. La chèvre était décue.

Signature chez Privat-Juliard à Dijon.

Samedi je monte à Dijon avec Sonia Delzongle pour une signature chez Privat-Juliard. Sonia  a publié "Journée d'un Sniper" dans la même collection  que le "Journal Désespéré d'un Écrivain Raté".
Une signature à deux risque d'être deux fois plus amusante, mais du moment qu'il y a ni neige, ni brouillard, ni pluie, et surtout pas de jambon, je suis comblée !

Privat-Juliard, rue de la Liberté, 21000 Dijon. 15h à 18h.

PS si vous voulez me faire plaisir allez chez  http://www.biblioblog.fr

et chez http:// ephemerveille.hautetfort.com 

Vacances Désespérées d'un Écrivain Raté

Prendre des vacances à la fin du mois de novembre est déjà une gageure. Personne ne prend de vacances à cette époque et, à moins de partir pour des destinations exotiques, on peut s’attendre au pire. Nous pensions avoir bien cerné le problème en partant à Cognes, petite station de basse montagne, munis de chaussures de marche et de crampons.
Bien entendu j’ai emporté des livres. Après le dix-neuvième siècle dont j’ai usé et abusé, je me sentais prête pour un des maîtres incontesté du vingtième : Bernard Clavel dont j’ai choisi « Le Silence des Armes » écrit en 1973.  C’est Clavel au sommet de son art. Savant mélange de poésie et de violence, cri douloureux contre toutes les guerres et hommage aux racines qui déterminent le destin de chacun, exactement ce qu’il faut pour lire pendant des vacances en altitude.
Nous sommes partis jeudi, moral au beau fixe, heureux de quitter la grisaille, sûrs de trouver mieux ailleurs, ce qui est à la fois dangereux et prétentieux.
Lorsque nous sommes arrivés au niveau du panorama du Mont Blanc et que nous ne l'avions pas trouvé, nous aurions dû comprendre que les choses allaient se corser, mais c’est simplement lorsque nous sommes sortis du tunnel côté italien, que nous avons compris que tout n’allait pas être simple.
On parle beaucoup du ciel, non pas celui qui vous tombe dessus, mais l’autre où tout est paix et sérénité. Je peux affirmer que c’est faux. Nous, le ciel nous y sommes allés et ce n’est pas agréable du tout.
À la sortie du tunnel, il nous attendait. Il nous a engloutis goulûment et ne voulait plus nous lâcher. Curieuse d’expériences nouvelles, j’ai sorti la tête à la recherche du bien être tant vanté par nos écrivains me disant que si « l’homme était un dieu tombé qui se souvient des cieux, » j’allais enfin en avoir le cœur net. Parler de supercherie céleste n’est pas trop fort. Je suis rentrée dans la voiture givrée comme un citron et aussi gelée qu’un coing.
Le ciel est un endroit qu’il vaut mieux éviter, un lieu où l’on ne doit se rendre que contraint et forcé.
L’au-delà est sans doute pire.

PS  Pardonnez cette note un peu noire, mais n’ayant pas réussi à atteindre la montagne à cause de fort enneigement, brouillard et troupeaux de chasse-neige, nous sommes restés dans la vallée où après trois jours de pluies torrentielles, nous sommes rentrés à la maison.

PSS Ne me parlez plus de jambon….  d’Aoste !

Journal Désespéré d'un Écrivain Raté (vacances)

Sur le départ.Mon cadeau de vacances se trouve chez :

                 gwordia.hautetfort.com

À bientôt

Italie

Demain nous partons pour quelques jours en Italie. Je suis en totale panne d’inspiration. (« Bien fait » a dit l’horrible chèvre qui va mieux. Voir plus loin.) Pire que cela, je ne suis même pas sûre de pouvoir réciter convenablement l’alphabet. Il y a quelques jours, je voulais chercher « contentieux » dans le dictionnaire. Introuvable. Comme je n’utilise, habituellement, qu’un Larousse de Poche, je me suis dit qu’il faudrait peut-être passer au Petit Larousse qui est en réalité grand. Pas plus de chance dans ces pages lourdes de savoir. Évidemment, lorsque l’on écrit ce mot avec un « s » au lieu d’un « t » cela rend les recherches un plus difficiles. Alors j’ai appelé le berger pour lui dire qu’il fallait qu’il m’emmène très vite loin de tout ce qui s’écrit avec plus de quatre lettres, et où l’on ne me demandera rien de plus compliqué que de tourner des spaghettis autour d’une fourchette.
Il n’a pas hésité une seconde, car maintenant les animaux vont bien.
Vous allez peut-être penser qu’une chèvre qui sourit, qui est délicieusement polie, et qui entoure ses compagnons d’une bienveillante sollicitude est le bonheur dans le pré. Mais chez nous, le monde marche rigoureusement à l’envers et toute cette gentillesse nous faisait faire beaucoup de soucis. Le vétérinaire est revenu le lendemain (toujours à l’heure du pastis), et lorsqu’il est entré dans le champ, et que la chèvre lui a dit : « Bonjour monsieur, je suis fort aise de votre visite », il est retourné à la voiture chercher sa trousse d’urgence.
Une chèvre qui parle en alexandrins est un phénomène dangereux. En plus il paraît que c’est contagieux alors il fallait mettre un terme au plus vite à moins de voir la basse cour se transformer en cénacle littéraire.
Le vétérinaire a prescrit trois jours d’isolement. À la fin du troisième jour la chèvre est sortie en
disant : «Le premier qui m’emmerde, je lui fous un coup de cornes.»
Nous allons passer des vacances tranquilles.

Retour du Salon du livre de Lyon

« Qu’est ce qui est arrivé à ta chèvre ? » Le vétérinaire a l’air perplexe. (La chèvre sourit bêtement.) Je lui dis que je n’ai rien remarqué de particulier, qu’elle mange normalement et se promène comme d’habitude. « Tu ne vois pas qu’elle louche ? » Effectivement ses grands yeux globuleux se sont étrangement rapprochés et elle sourit toujours. « Je la trouve bien calme. Elle n’est plus…, » là il cherche ses mots, car l’homme est pudique, « elle semble plutôt… , » il cale de nouveau. J’ai pitié de lui et suggère que ses hormones, (celles de la chèvre et non pas celles du vétérinaire qui est plutôt asexué,) semblent en berne. « Exactement, » s’exclame l’homme de science. »Et puis il y a autre chose, » il hésite un instant, frotte une botte contre l’autre pour se donner une contenance, « elle sourit ». Et c’est bien ce qui est le plus inquiétant. Il faut préciser ici que le vétérinaire n’est pas venu pour les animaux, mais uniquement pour le pastis, (deux bien tassés) et que s’il regarde la chèvre c’est parce qu’il a l’habitude de garer sa voiture à côté du champ où se trouve la basse cour. « Tu la surveilles quand
même, » conclut-il ouvrant la porte de son immense et très polluant 4x4. « Elle n’est plus toute jeune, » il hésite encore, « tu y es très attachée, je le sais. » Et sur cette note plutôt déprimante, il disparaît dans un nuage de quelque chose qui ne fait sûrement pas du bien à la planète.
Je retourne vers la chèvre, décidée à en découdre. Je commence en lui posant la question qui est l’évidence même : pourquoi sourit-elle ? « Mais," dit elle tout doucement d’une voix mielleuse que je ne reconnais pas, ses yeux roulant comme des billes en folie, « je souris parce que le berger m’a dit que tout s’est très ,très bien passé à Lyon, alors je suis contente pour toi. »
Je rentre à la maison en courant et appelle le vétérinaire sur son portable. Il y a urgence. La chèvre est vraiment malade.

voir le commentaire d'Anne-Sophie Demonchy "La Lettine" sur son blog en date du 14 novembre:

             www.lalettrine.com

 

SALON DU LIVRE DE LYON (épilogue)

Mélodie-la-douce s’est levée tranquillement. Elle a fait trois pas en arrière, a baissé sa petite  tête,( à peu près la seule chose qu’elle ait de petite), et a botté en touche, loin, très loin, l’obsédée dominatrice.
C’était exaltant.

Salon du Livre de Lyon, Place Bellecour, le 9,10,et 11 novembre de 10h à 19h. Nocturne vendredi jusqu’à 21h.