MARY DOLLINGER

Les Épreuves.

  Lire les épreuves, c'en est vraiment une. En anglais cela se dit "proof", "la preuve", ce qui est déjà plus optimiste et semble rendre la tâche moins ardue.
Cette période de préparation physique d'un livre est dure. Je suis totalement inapte à corriger quoi que ce soit, et en particulier quelque chose que j'ai moi-même écrit.
L'éditeur conseille une lecture classique suivie d'une deuxième à l'envers. Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de lire un livre à l'envers ? C'est un peu comme si vous mettez votre tête dans un sac en plastique. De toute façon les erreurs, je ne les vois pas. Je ne les vois plus. À partir du moment où le texte est imprimé je suis impressionnée, trouve tout bien et me souviens que je suis anglaise. Une sorte de régression littéraire en somme.
Vous aurez compris, je suis un peu déprimée. En plus trois petits canetons sont morts de froid hier soir. Leur mère leur avait permis de dormir à la belle étoile au lieu de les rentrer dans la bergerie. Les nuits sont tellement pas douces que le résultat ne s'est pas fait attendre. Même dans la basse cours l'éducation a son importance. La mère n'aurait pas émancipé ses petits trop tôt, ils seraient encore de ce monde. Dure leçon.
Pour terminer, je voudrais dire un mot en défense des robots. Nous sommes nombreux à être obligés de copier chiffres et  lettres, souvent illisibles, pour prouver que nous ne sommes pas des robots, et pour faire barrage aux messages de ceux-ci. Personnellement, je serais très heureuse, un peu étonnée sans doute, mais définitivement heureuse, de recevoir un message d'un robot. J'aurais l'impression que la science avance et que mon rêve, le robot lecteur d'épreuves, serait prêt à se réaliser.

Week-end Littéraire (1)

Comment définir un écrivain (modeste) qui reçoit son éditeur et sa femme pour le week-end ? Doit-on l'assimiler à la petite fille qui offre des fleurs à sa maîtresse en dehors de la fin du trimestre ? À la mère de famille qui invite le professeur de maths à une fête de famille sous le prétexte fallacieux de le présenter à un vague parent mathématicien ? Ou à cette même mère de famille qui, quelques années plus tard, offre des places à l'Opéra à un prof de prépa en disant qu'elle n'a pas le temps d'y aller ? Je suppose que c'est un peu tout cela.
J'essaye d'analyser la situation. L'éditeur en question,(le mien je l'espère) est très sympathique, incroyablement cultivé, drôle à ses heures. Sa femme est charmante. Alors où est le mal ?
Bien sûr, il n'y en a pas. Sauf. Que vais-je mettre sur sa table de nuit ? Un 'After-eight' ? Une bouteille d'eau minérale ? Pas vraiment. Plutôt mon dernier petit manuscrit à peu près corrigé.
Finalement je ne le mettrai pas sur la table de nuit, n'arrivant pas à me décider si un éditeur couche à  droite ou à gauche. Je le mettrai carrément sur le lit.
Ne voulant pas avoir l'air d'en faire de trop alors que je suis en cuisine depuis l'aube, j'ai  oublié le fromage.
La suite any minute.

En suivant les conseils de Virginia Woolf.

Pendant que j'écrivais "Au Secours Mrs Dalloway", et cela a duré tout de même un certain temps, j'ai fréquenté assidument Virginia Woolf. J'ai beaucoup aimé les vacances en  Cornouailles, compatis à ses deuils, frémis devant le comportement de ses demi-frères, adoré son mari, vibré devant ses amours, admiré ses écrits et compris, tristement l'inévitabilité de son départ dramatique. Mais malgré cette intense intimité je n'ai pas suivi ses conseils. Cette féministe étonnante avait pourtant été très claire : "Une femme doit avoir des revenus propres et une pièce à elle, si elle souhaite pouvoir écrire." Durant cet été chargé j'ai compris l'absolue sagesse de ses propos.
Depuis longtemps je partage un bureau "conjugal" avec mon mari, mais cet été il fallait ajouter, comme pour toutes les vacances scolaires qui n'arrêtent pas de revenir, les petits enfants. Travailler à côté d'un mari qui est la discrétion même est une chose, mais essayer d'avancer alors que les petits enfants construisent des empires, vaporisent des ennemis de la Republic, où jouent au gymkhana, n'est vraiment plus possible.
Il restait au deuxième étage, pour mon bonheur, une toute petite chambre dont personne ne voulait. Vous aurez compris la suite. En plus, cette chambre a l'avantage d'être sans téléphone, et sans le net. Donc plus aucune excuse...
Virginia Woolf  approuve, mais me fait remarquer assez sèchement, que je n'ai rempli que la moitié du contrat.
Je la trouve bien exigeante et m'en occuperai à une date encore non déterminée.

L'Éditeur

Les éditeurs sont une race à part, fabriquée pour la plus grande souffrance des écrivains. Lorsque nous avons publié avec mon mari en 1999 : "La Femme et le Tabac : Histoires d'une Mésalliance", l'éditeur parisien a lu le texte, donné son aval, et le livre était publié sans changer une virgule. C'est un des livres le plus déprimant que je connaisse et il aurait été en droit de réclamer "a happy end" et sûrement moins de souffrance, moins de larmes. Mais il a pris l'ensemble sans sourciller. C'est dire que je n'étais pas du tout préparée pour la suite.
Pour "Au Secours Mrs Dalloway", l'éditeur m'a demandé du possible et de l'impossible. J'ai fait le premier, esquissé le second et tout s'est à peu près bien déroulé. En ce moment cela se passe autrement et il  demande toujours plus. Il a lu mon nouveau texte, (que je ne qualifierai pas tout à fait de roman mais presque,) apparemment aimé, et demandé quelques petits suppléments acceptables. Maintenant il demande la suite, alors qu'il n'y en a pas. Mais ce texte comporte un problème majeur : contrairement à "Au Secours Mrs Dalloway", qui est de l'imaginaire pur, (n'en déplaise à certains de mes amis ou ex-amis peut-être, qui veulent absolument que ces marivaudages soient autobiographiques), celui-ci nécessite recherches et réflexion. C'est à dire quelque chose qui ressemble furieusement à du travail. Vous connaissez tous ma paresse légendaire et je rêve d'un "ASMD" bis.
Comme un malheur ne vient jamais seul, il veut une chute supplémentaire. Les chutes sont mon cauchemar.En ayant déjà présenté une qui me semblait convenable, je suis franchement épuisée à l'idée de courir après une autre.
Pour alléger ce poids qui me pourrit le quotidien, nous allons emmener les deux garçons voir ...mais ce n'est même pas la peine de vous le dire.

Victor Hugo et la Vièrge Consacrée.

Les idées sont là, les mots aussi. Il me faudrait une petite semaine pour tout mettre en ordre. Curieusement ce texte court s'appuie sur du concret, donc il faut quelques jours pour la documentation, ensuite la même chose à peu près pour que les idées se concrétisent et se glissent dans le manuscrit existant. Tout cela tient un peu du miracle car c'est en courant après les mailles, faisant à manger en boucle et séparant ceux qui s'adoraient la veille, que j'ai trouvé ce court chemin littéraire. (Parenthèse pour mères et grand-mères : éviter le tricot, c'est l'enfer.)- Et c'est aussi un peu grâce à cet environnement que j'aime tant.
Tout le monde sait que la littérature est essentiellement composée d'argent et de sexe. Pas forcément dans cet ordre. Ici le deuxième volet est omniprésent, et les petits enfants n'auront pas besoin de cours d'éducation sexuelle. Ils ne font pas attention aux pigeons, sans doute parce que l'orgie est permanente et finit pas lasser. Les poules ont une attitude très dix-neuvième vis à vis du devoir conjugal : le coq arrive, elles se couchent, alors l'intérêt est minime. Reste les canards, et là, c'est toute autre chose. Simone de Beauvoir  et Anaïs Ninn sont passées par là, et leur influence est omniprésente.
Le schéma ne varie jamais : le canard attaque, la canne résiste. Elle résiste même violemment, court, zigzague, hurle, bat des ailes, s'échappe parfois, et lorsqu'il faut céder rend les choses difficiles et inconfortables.Comme en ce moment les trois cannes, héroïquement vaincues, couvent, il ne reste plus que Victor Hugo, (personne n'arrive à l'appeler Juliette), et tout le monde s'attendait au pire. Mais l'oie de  Toulouse, sa mère d'adoption, veille. Elle a décidé que Victor Hugo allait rester à l'écart des us et coutumes de la basse-cour pour devenir une sorte de vierge consacrée palmipède. L'oie charge, les canards reculent, Victor Hugo passe en les narguant et les enfants crient leur joie, particulièrement les filles, déjà féministes convaincues.
Les garçons sont plus réservés.

Littérature et Drôme

Mercredi dernier, pendant l'espace d'un après-midi, Upie (mille habitants comptant chiens et chats,) est devenu le centre de la Drôme. Préfet, Président du Conseil Général, députés un peu partout, maires, et last but not least, la fanfare.   (Si vous n'avez jamais entendu la  fanfare d'Upie interpréter "La Marseillaise," vous n'avez pas vécu.) Il s'agissait de l'inauguration de la nouvelle école/cantine/crèche/bibliothèque. En tant qu'auteur upien,j'étais invitée, ainsi que Robert Serre, historien de la Drôme, et Catherine Fradier.
Catherine Fradier est notre vedette locale. Deux  fois primée sur le plan national l'année dernière pour "La Colère des Enfants Déchus", c'est un écrivain de polars noirs, plus que noirs. Son dernier roman, "Camino 999" n'est  pas encore primé, mais l'est d'une certaine façon car elle se trouve avec un  procès retentissant sur le dos. J'étais un peu envieuse, rêvant que Virginia Woolf me fasse un procès de l'au-delà pour détournement d'héroïne, pensant que la publicité doperait les ventes. d'"AU SECOURS Mrs DALLOWAY" En réalité, il paraît que ce n'est pas drôle du tout et C.F. s'en serait bien passé. Sans citer les plaignants pour ne pas les froisser d'avantage, disons simplement qu'il en est question dans le "Da Vinci Code" et vous aurez tout compris. Quant à Catherine Fradier, c'est une jeune femme absolument charmante, une vraie pro de l'écriture. Bien entendu, nous en sommes venues à parler de ce qui nous lie, et elle était consternée par mon manque d'organisation. Moi aussi. Mais en suivant ses excellents conseils, je suis arrivée presqu'à la page 80,(petit bonheur du matin.) Malheureusement l'écriture va bientôt passer au second plan. Les petits enfants arrivent tout à l'heure, début d'un été bien chargé, comme pour tout le monde, et cela va continuer jusqu'aux environs du 17 août.
Sinon, tout le monde va bien. Les moutons ont été tondus samedi, débarrassés de leur masse de laine, plus rouille que noire qui leur donnait un air de curé de campagne. Ils sont maintenant d'une élégance qui nous fait honneur. Les pigeons sont moins " 9". Mon mari  a fait le nécessaire hier, et les  survivants lui sont reconnaissants. Les autres n'ont pas eu le temps de voir venir cette mort certaine et sont passés de la vie au trépas l'estomac plein, l'oeil rivé sur leurs prochaines conquêtes. Les cannes couvent à nouveau, indifférentes aux nouvelles alarmantes sur une possible épidémie de grippe aviaire.
Une dernière nouvelle, mais elle est de taille : il semblerait que Victor Hugo soit une femme.

P.S.

J'ai tout de même trouvé le temps de passer voir mes amies chez Privat-Julliard, Boulevard St Germain.
"Au Secours Mrs Dalloway" est plus que visible et porte toujours la bande "Coup de Coeur..." Inutile à dire que dans mon hit-parade des libraires, Privat-Julliard se trouve au Zénith.

Biblioblog et "Au Secours Mrs Dalloway"

Si vous voulez vraiment me faire plaisir, allez sur " biblioblog". Et encore merci à Laurence pour ce joli papier.

"Au Secours Mrs Dalloway" et Frédéric Beigbeder.

Tout à l'heure des amis anglais arrivent et je suis partie pour une dizaine de jours de tourisme et  grande bouffe, il est donc urgent de clore une petite chose que j'avais laissée en suspens. Ceux parmi vous qui ont lu " Au Secours Mrs Dalloway  et Nicolas Sarkozy", se souviendront que je m'apprêtais à créer un nouveau parti politique avec l'intention de promouvoir discrètement mon roman, et d'écrire, (rapidement) un autre livre qui serait vendu à des milliers d'exemplaires aux membres (nombreux) de ce nouveau parti. Mais pour cela j'avais besoin de la caution politico-litéraire de Mrs Dalloway. Malheureusement celle-ci reste bloquée sur la candidature de Dominique de Villepin, attirée, je pense,plus par son opulente chevelure argentée que par ses idées politiques. Elle ne souhaite pas être plus explicite, et est partie en cure à Bath dans le sud-ouest d'Angleterre en emportant l'oeuvre complète de Jane Austen. Elle refuse de répondre à mes appels. J'en suis fort dépitée. J'avais pourtant trouvé deux slogans plaisamment acrocheurs : "Vous avez des questions, nous aurons les réponses," et "Dites-nous ce dont vous avez besoin et nous vous dirons comment l'acquérir."  Je trouvais ce savant mélange de pensée politique élémentaire, totalement participative, et du consumérisme, bien dans l'air du temps. Quant au parti proprement dit, il devait s'appeler : "AIDE ET SECOURS". Dire la même chose deux fois pour être sûr que les gens ont compris est un tic politique récurrent, et permettait de rappeler discrètement, mais pas de trop, le titre de mon roman. "AIDE ET SECOURS" est donc mort-né, et mon rêve de publier un livre où j'aurais écrit (en toute vitesse) n'importe quoi, également. Ce n'est pas rien de voir ses rêves fracassés de la sorte, et pour comble de malheur je viens d'apprendre que Frédéric Beigbeder va publier un livre en juin intitulé : " Ausecours...pardon."  Pas tout à fait un plagiat, hélas, mais presque. Mrs Dalloway n'aimera pas du tout, et comme elle est très attachée à l'esthétique, j'ai bien peur que les cheveux de l'auteur ne lui plaisent pas également.

"Au Secours Mrs Dillinger"

Le fait d'avoir un cv qui tient sur un timbre poste n'est pas une bonne chose pour un écrivain. Il faudrait une  bibliographie qui sent le souffre, la débauche, l'exotisme, l'extraordinaire, l'interdit.  Au moins. De ce côté-là, chez moi, c'est plutôt le néant. L'autre jour on m'a tendu une paille, une toute petite ouverture vers le sensationnel, et j'ai bien envie de m'y accrocher avec toute la force du désespoir d'être plus ou moins normale. Un défaut impardonnable dans le monde de l'édition. LA TRIBUNE DE MONTELIMAR a publié un article, tout à fait gentil, sur mon passage à Grignan pour un café littéraire. Mais ce n'est ni l'article, ni la photo qui ont retenu mon attention, mais le titre : " Café Littéraire : MARY DILLINGER." Et je me suis mise à rêver. Si vraiment on me prenait pour une descendante de John Dillinger, j'aurais mes chances partout. Non seulement il était violent, immoral, beau gosse et élégant, en plus son nom est très connu, même si certains n'ont qu'une très vague idée de son parcours véritable. Mais tout le monde sait qu'il était mauvais. Très mauvais. Et c'est cela qui compte. J'ai  téléphoné tout de suite à mon éditeur pour savoir si je pouvais changer mon nom et pimenter mon cv que je voyais très clairement. Je serais la fille d'une de ses nombreuses maîtresses. Ma mère aurait été belle et instable, droguée ou alcoolique, ou les deux, je n'avais pas encore décidé, et j'aurais été abandonnée dans une poubelle derrière the Biograph Théâtre, lieu de son assassinat. Le reste de ma vie n'est pas encore très clair, mais ce n'est pas la peine de m'y attarder, car Jacques André refuse toute modification, pour des raisons d'éthique. Il m'a beaucoup déçue. La mort dans l'âme je fais une lettre à la rédaction pour demander une toute petite réctification. Je l'affranchirai avec un timbre vert. Tout le monde sait que ces sous-lettres mettent des années pour arriver à destination. Je sens que mon père sera content.