MARY DOLLINGER

"Les Feux de l'Amour" et la chèvre.

 Demain nous partons en Angleterre pour une réunion de famille franco-anglaise. Organisé, planifié, ce départ a failli tourner court à cause de… bien entendu, à cause de la chèvre.

Le fait de leur avoir supprimé les journaux a été assez mal vécu par tout le monde, même les deux petites chèvres que vous connaissez peu, mais qui sont adorables, avaient pris l’habitude des sudokus et faisaient la tête. Alors j’ai décidé de leur donner, tous les dimanches matins, le magazine TV, une fois périmé, partant du principe que ce qui est gratuit est automatiquement inoffensif. Je me disais, aussi, que si jamais ils devenaient vraiment accrocs, je leur achèterais un vieux poste que j’installerais dans la bergerie et la paix règnerait sur terre.
Tout se passait tranquillement, si ce n’était Mélodie qui me demandait de lui raconter « Les Feux de l’Amour », plus en détail, trouvant le résumé quotidien un peu succinct. Là il a failli y avoir un problème car depuis un an et deux jours exactement, je suis sevrée et ne regarde plus, mais plus du tout, la série suscitée. Arrêter de fumer est dur. Arrêter de regarder « Les Feux de l’Amour » est quasiment impossible et je n’en suis pas peu fière. Mais pour faire plaisir à Mélodie la douce, j'ai puisé dans mes souvenirs lointains pour lui raconter que Niki, mariée avec un médecin dont la femme, qui n’est pas censée être en vie, mais qui l’est quand même, déguisée en gouvernante avec perruque et lunettes, guette le couple de tourtereaux avec des idées de meurtres. Cela vous paraît ridicule ? C’est pire que cela mais Mélodie adore. « Je sais que Niki aime toujours Victor », soupire-t-elle, ce qui montre qu’elle a tout compris.
Mais dans ce journal « inoffensif » il n’y a pas que « Les Feux de l’Amour », il y a aussi « Prison Break ». Nous avons cru que la chèvre avait arrêté de démolir la bergerie parce que c’était a) trop dur, b) trop fatiguant c) sans avenir car le berger la reconstruisait aussitôt, mais en réalité c’était parce qu’elle voulait faire un Michael Scofield, les tatouages en moins.
Ce matin, le berger l’a surprise en flagrant délit, ayant réussi à détricoter le grillage, la tête plus une patte et demie en totale liberté.
Derrière, on faisait la queue.
Demain je pars en Angleterre.Je ne leur enverrai même pas une carte postale.
Quand aux « Feux de l’Amour », ils sont définitivement éteints.

"La nuit nous appartient" plus du tout.

Pour ceux, parmi vous ,qui auraient le courage de consulter mes archives de décembre, ils trouveront deux notes « désespérées » par un écrivain qui ne l’est pas moins ,sur : « La Nuit nous appartient »
À ce moment, je faisais état du fait que j’étais la seule personne en France à ne pas crier au chef d’œuvre pour ce film de James Grey. La lecture du «Magazine Week »(hebdomadaire de langue anglaise avec une sélection des meilleurs articles de la presse anglo-saxonne et ailleurs) m’apprend qu’il y  en a d’autres qui marchent du pied gauche. Je cite quelques conclusions au hasard : « série B avec fausse illusion de grandeur »
« ennuyeux et totalement prévisible » « aussi démodé qu’un film de James Cagney dans les années 30, »
« n’importe quelle série policière de la télévision a plus d’éclat et de brio. »
Alors je conclus, une fois de plus, qu’il s’agit d’enzymes : ceux qui peuvent digérer le Christmas pudding et en remanger le lendemain, n’en ont plus assez en réserve pour digérer « La Nuit nous appartient. »

« Good Night and Good Luck. »

Les lumières de Draguignan par Olivier Simon.

photogeovar.com

Newsletter de Psychologies Magazine.

           La note qui suit est sérieuse, dépourvue d’humour, et ne contient rien qui puisse prêter à sourire. Je tiens à préciser, avant de commencer à l’écrire, car je voudrais que les choses soient très claires. This is the new me.
          Avant-hier, j’ai eu la surprise de voir mon blog exploser. Comme je vous l’avais dit je suis passée dans la Newsletter de Psychologie Magazine, et, de ce fait, ma vie a basculé. En passant dire « bonsoir » à mon blog, je l’ai trouvé carrément en pièces détachées. Il a fallu tout remettre d’aplomb, car il n’avait pas résisté, physiquement, à ce surcroît de visiteurs, et n’en pouvait plus de recevoir ces inconnus, dont une grande partie, au moins 70 %, étaient des moteurs de recherche, pas très bavards, mais très exigeants quant à leur espace vital. Dire que la maison était en émoi...
       «Ils n’arrêtent pas, j’en suis tout secoué, débranche-moi, dis-leur d’aller ailleurs… " murmura mon blog à bout de forces. Je lui ai donné un quart de Lexomil qu’une amie, à peine stressée avait fortuitement oublié. Il l’a gobé sans attendre le verre d’eau que je lui tendais, et a réclamé les 3/4 restants. Je lui ai tenu la main et nous avons attendu.
       À onze heure du soir, il avait reçu plus de 1000 visites et, comme lui, j’étais en état de choc. Je pense que « Psychologie Magazine », que je remercie en passant, devrait prévoir une cellule de soutien pour les blogs pris comme cible dans une intention bienveillante certes, mais qui ne sont pas du tout armés pour faire face à un séisme pareil.
       Hier les choses allaient un peu mieux, mais il fait une fixation sur les moteurs de recherche qu’il trouve peu bavards et tyranniques.J’ai beau lui dire qu’ils sont un mal nécessaire, il ne m’écoute pas.
     Pire. « Au Secours Mrs Dalloway » et « Journal Désespéré d’un Écrivain Raté qui étaient installées tranquillement au deuxième étage chez Virginia Woolf sont descendues pour réclamer a) pour Mrs Dalloway, un rendez-vous chez le coiffeur, b) pour l’écrivain raté, un accès illimité à mon ordinateur. Elles croient fermement que leur heure de gloire n’est pas loin.

        Quant à moi, je ne contrôle plus rien. Ma vie m’échappe. Je vais aller demander conseil à la chèvre.

Jour de l'An plus deux

Après quarante-huit heures d’une discipline de fer dans tous les domaines, d’une bonté sans borne envers mes proches, moins proches et tous les autres, je commence à me demander si la vie a vraiment un sens. Tout du moins dans la configuration angélique que je me suis imposée depuis les douze coups de minuit du regretté 2007.
           Mon entourage est inquiet, les animaux perplexes. Ai-je vraiment le droit de perturber ainsi les êtres qui me sont chers ?
Pour 2009 ma résolution est déjà prête : je n’en ferai aucune.

PS  En cherchant un plat pour le réveillon du 31 j’ai trouvé, abandonné au fond d’un placard, un deuxième enfant Jésus. Je l’ai installé dans la crèche tout contre son frère qui dormait et ne s’est aperçu de rien, mais St Joseph a très mal pris la chose. Lui qui ne dit jamais rien, l’homme transparent par excellence, a explosé. Il m’a fait comprendre que trois bouches à nourrir n’étaient pas possibles, que l’évangile avait prévu un enfant et pas deux, qu'un surdoué n’était déjà pas facile, qu’ils allaient être obligé de partir sous peu pour un long voyage, et qu’il n’avait pas l’âme d’un père de famille recomposée.
Nous les avons tirés à la courte paille et Jésus bis est retourné au placard.

PPS  À cause d'une activité tout à fait inhabituelle sur mon blog grâce à un passage dans la Newsletter de Psychologie Magazine, (merci à eux) "Au Secours Mrs Dalloway" et "Journal Désespéré d'un Écrivain Raté" se voient déjà en haut de l'affiche. Avant "elles "n'étaient pas commodes, maintenant "elles "sont devenues insupportables.(ces deux livres sont incontestablement féminins.) Jacques André, leur éditeur, s'arrache les cheveux.

Jour de l'an, plus un

Comme beaucoup d‘entre nous, je suis subitement toute neuve. J’ai pris tellement de résolutions, suis tellement chargée en bonnes intentions et tout le reste que j’ai du mal à me déplacer. Ayant digéré sans aucune difficulté tout ce que l’entourage m’a envoyé comme plats indigestes et calorifiques pendant ces journées de fêtes, mes enzymes anglaises ayant fonctionné à la perfection, je me retrouve plombée par un excès de sagesse et de bonté. C’est inconfortable, inhabituel, et je ne tiendrai pas longtemps. Sans entrer dans les détails qui seraient non seulement fastidieux mais également prétentieux,il suffit de dire que la vie que je me suis réservée pour 2008 vaut tout juste la peine d’être vécue tellement elle est angélique,(sans doute l’influence de la crèche,) et qu’après un jour et demi de totale abnégation, je suis épuisée.
Je rêve de luxure et de débauche, de paresse et de futilités tout en m’appliquant à suivre, à la lettre, ma feuille de route 2008.
La dyslexie me guette. Happy New Year all the same.

P S.Trois jolis cadeaux  littéraires du jour de l’an chez ephemerveille , wrath et mandor.Many  thanks to all three.

L'épiphanie par anticipation.

Noël has come and gone, comme disent élégamment les Anglais. Tout s’est passé normalement, rien de particulier si ce n’est le problème récurrent de l’enfant Jésus. Sa naissance prématurée a été avortée par petit-fils numéro 2 qui s’est empressé de l'enlever de la crèche et le mettre de côté «en attendant  son anniversaire.» Je n’étais pas contre puisqu’il souhaitait en assumer la responsabilité, mais il l’a posé à côté des Rois Mages qui s’acheminaient doucement sur un radiateur à proximité.( Ils s’acheminent à l’aveugle car si j’ai un surcroît d’anges, je n’ai aucune étoile donc ils ont bien du mérite.) L’arrivée inopportune de l’enfant, par qui tout a commencé, leur  a profondément déplu. Avec l’exquise politesse des grands seigneurs, Melchior ou peut-être Balthazar m’a fait remarquer qu’ils avaient rendez-vous le 6 janvier et non pas le 23 décembre. Qu’ils avaient déjà assez de mal sans étoile et qu’il n’était pas question, en plus, de s’occuper d’un nouveau-né. Les chameaux et les éléphants ont opiné sagement de la tête. Le troisième roi, celui qui fait tout le trajet à genoux et dont personne ne se souvient du nom n’a rien dit. On peut le comprendre.
Étant très occupée par un foie gras mi-cuit pas cuit, et une dinde fermière qui avait trop couru, je n’avais pas vraiment le temps pour des psychodrames bibliques à domicile. Je les ai laissés se débrouiller entre eux, mais pas avant d’avoir entendu une voix céleste dire très clairement : « Vous savez, je suis destiné à accomplir de grandes choses, alors un peu de respect s’il vous plaît. Et pendant que j’y suis, l’or et l’encens, je ne suis pas contre, mais la myrrhe ne m’inspire absolument pas. Pour l’embaumement, je ne suis pas pressé.»

La morale de l’histoire : l’enfant Jésus a rejoint la crèche ce matin ayant passé la nuit de Noël, selon une tradition familiale, en compagnie des rois mages. Melchior, sage et pragmatique, a puisé donc son coffret d’or pour engager une nourrice.

Happy Christmas bis

"Au Secours Mrs Dalloway" et "Journal Désespéré d'un Écrivain Raté" me prient de vous présenter leurs voeux. Ils n'étaient pas heureux d'avoir été omis de la note précédente et me l'ont fait dûrement sentir.

Happy Christmas

 Happy Christmas to  you all, et une nouvelle année avec beaucoup de bonheur et tout ce que vous pouvez souhaiter. Un conseil pour les vœux, demandez toujours un maximum car le risque est minime et l’on ne sait jamais. De ma part vraiment merci de votre présence et votre soutien, je crois que nous nous sommes bien amusés, et je nous souhaite beaucoup de rencontres en 2008.
Je vous joins deux photos. La première : un petit coin de la « plaine heureuse ». Il faut savoir que cette plaine, autrefois ainsi nommée, a hérité 1) d’un gazoduc, 2) des lignes à haute tension qui la traversent de part en part 3) de l’autoroute qui la tranche sans pitié, et 4) du TGV qui explose contre les premiers rochers du Vercors. C’est beaucoup pour une petite plaine, mais elle assume courageusement, et vous dit sereinement  "Bonnes Fêtes." (Elle est d’accord aussi pour demander un maximum.)
La deuxième : notre crèche. Tous les ans cette crèche me pose un problème de taille : il n’y a pas vraiment la place pour l’enfant Jésus. L’année dernière je l’ai carrément oublié, alors cette année, je l’ai installé d’emblée avec deux jours d’avance. Il était d’accord avec moi qu’il valait mieux une naissance prématurée que pas de naissance du tout. Le problème vient des bergers, (j’en ai assez pour créer un syndicat), et des anges,( j’en ai trois sans compter celui ou celle, ce n’est pas clair, au sommet de l’arbre. L’année dernière j’avais décidé de ne garder qu’un/une, et les deux autres ont protesté vivement. Tout le monde sait qu’un/une ange déchu/e est dangereux, il suffit de lire « Paradise Lost » de Milton pour comprendre jusqu’à quel point. J’ai donc mis les trois et oublié « le divin enfant »
Cette année, il est bel est bien là, accomplissant le miracle de Noël en luttant vaillamment pour son espace vital qu’il doit partager avec deux vaches, deux ânes et onze moutons, sans parler de sa mère et de St Joseph.

Heureusement qu’il n’y a pas de chèvres.

Jacques Prévert

Hier j’ai reçu un joli cadeau de Noël : « Guignol » de Jacques Prévert. Ce texte, introuvable depuis cinquante ans est sorti des oubliettes grâce à Jean-Paul Liégeois des Éditions Cherche Midi. Publié avec les illustrations originales d’Elsa Henriquez, cette courte pièce de théâtre pour enfants, (et adultes) est un moment de bonheur. La fantaisie de Prévert enveloppe des vérités qui, depuis sa parution en 1952, sont toujours, malheureusement, d’actualité.
Elsa Henriquez qui a illustré les poèmes les plus connus de Prévert et plusieurs de ses livres pour la jeunesse est celle à laquelle le merveilleux « Pour faire le portrait d’un oiseau » est dédié. N’hésitez pas à plonger dans ce monde éclaté où j’ai une tendresse particulière pour le chien.
«  Les bêtes parlent tous les jours, mais les hommes ne les entendent que les jours de fête. »

Comme les chèvres n’ont plus le droit de lire le journal, je vais leur passer ce livre. J’attends leur verdict avec trépidation .