Aujourd'hui et hier, nouveau tête à tête avec mon texte que je reconnais de moins en moins et que je déteste de plus en plus. À midi, l'affaire à peu près bouclée, j'envoie les petites modifications à l'éditeur, qui ne sera pas content du tout. Il m'avait bien fait préciser que le temps des "repentirs" était terminé et, bien sûr, je n'en ai tenu aucun compte. Lundi matin, il va bouillir. Mais son déplaisir futur n'est pas une priorité car moi, je me trouve prête à l'implosion. Enfermée dans ma bulle littéraire depuis bien trop longtemps il me faut absolument changer d'air. Alors malgré le mistral j'enfile un gros polaire et pars à travers champs. Je rends d'abord visite à nos animaux qui sont moroses et ne m'adressent qu'à peine la parole. Eux aussi détestent le mistral. Je n'insiste pas. Je contourne le champs et, stupéfaction, me trouve face à une sorte de mirage : un mât blanc, d'au moins quinze mètres, où danse allègrement dans le vent, un drapeau tricolore.
Un drapeau tricolore en pleine nature n'est pas une chose ordinaire.
J'ai pensé être victime d'une hallucination dûe au surmenage. Mais il était là, et même bien là.
En dehors des bâtiments officiels ou le quatorze juillet, un drapeau français en liberté n'a pas forcément bonne presse, surtout au bout d'un mât où il n'y a aucune erreur possible. Le drapeau était affiché dans un but bien précis. J'ai d'abord pensé à une caserne, puis à une préfecture rurale, où à la visite d'une personnalité importante. Peut-être notre président avait-il décidé de terminer son conseil des ministres dans la Drôme pour que ses habitants ne se sentent pas laisser pour compte ? À force d'aller partout sauf chez nous, nous allons finir par nous offusquer.
Je n'aurais pas été tellement obnubilée par mes problèmes personnels,
j'aurais tout de suite compris, car la raison était évidente : ce drapeau étonnant était là pour célébrer la coupe du monde du rugby.
J'avais regardé le match d'ouverture où notre équipe, face aux Argentins plutôt malins, avait tendance à lâcher le ballon quand il fallait s'y cramponner et le serrer lorsqu'il fallait le laisser vivre. On a beaucoup parlé de "pression", de "tension". Mais les journalistes ne savaient pas tout. Ce qui a achevé l'équipe de France, ce qui a rendu la pression insupportable et coupé leurs jambes par la même occasion, était ce drapeau solitaire qui flottait dans le paysage drômois. La petite goutte de patriotisme qui a fait déborder le vase d'émotion.
Un mot de consolation que je me suis empressée de faire parvenir à notre équipe trop sensible : le drapeau n'est pas encore en berne.
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